Rentrée littéraire

« L’art s’est, pour ainsi dire, fragmenté : le grand royaume, en se morcelant, a formé une foule de petites républiques. Chaque artiste a tiré la foule à lui, la flattant, lui donnant les jouets qu’elle aime, dorés et ornés de faveurs roses. L’art est ainsi devenu chez nous une vaste boutique de confiserie, où il y a des bonbons pour tous les goûts. (…) Ce peuple de décorateurs étroits et bourgeois fait un bruit de tous les diables ; chacun d’eux a sa maigre théorie, chacun d’eux cherche à plaire et à vaincre. La foule adulée va de l’un à l’autre, s’amusant aujourd’hui aux mièvreries de celui-là pour passer demain aux fausses énergies de celui-ci. Et ce petit commerce honteux, ces flatteries et ces admirations de pacotille se font au nom des prétendues lois sacrées de l’art. »

Emile Zola, Edouard Manet, étude biographique et critique, 1867.